La bibliothèque in situ n°31


Date : 8 avril 2017
Heure : entre 14h et 21h

 

 

 Le chant des terres

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En ce printanier samedi, l’exposition Le chant des terres qui s’ouvrait concomitamment à la Documenta de CASSEL délocalisée en Grèce en ce 8 avril, a reçu une soixante de visiteurs venus rencontrer les artistes présents. Dans Libération du même jour, Paul B. Preciado l’un des commissaires de la Documenta écrivait : « S’obstiner à croire que le printemps n’est pas une saison pour l’austérité et que le soleil brille pour tous. Ou peut-être, se plier aux nouvelles conditions du changement climatique et accepter, comme le disait Jean-François Lyotard, que même le soleil vieillit. » Ce propos, bien qu’écrit dans un autre contexte résonne avec la thématique de l’exposition visible à Bourogne jusqu’au 10 juin 2017.

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La bibliothèque in situ a profité de la présence des artistes pour les rencontrer et  échanger quelques mots avec eux. Tour de table…

Black Sound

Nous débutons par un entretien avec Cléa Coudsi et Eric Herbin qui présentent Black Sound, une installation composée de 24 morceaux de charbons qui tournent à la vitesse de 33 tours/minutes et sur lesquels une aiguille vient piquer la matière laissant entendre un son spécifique. « Black sound est une installation qui expose une usure « en direct », cette usure des choses qui est la condition nécessaire pour que leur bruit soit restitué. Restitution de la propriété sonore de la matière dont le prix est la disparition de cette dernière, figurée paradoxalement par l’exposition-conservation de résidus de l’activité humaine » : c’est ainsi que Dominique Païni décrit cette pièce. Nous proposons à Cléa et Eric, une lecture d’un fragment de Léviathan (1929) de Julien Green.

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Au milieu du chantier, se dressaient trois tas de charbon, de taille égale, séparés les uns des autres, malgré les éboulements qui brisaient la pointe de leurs sommets et tentaient de rapprocher leurs bases en les élargissant. Tous trois renvoyaient avec force la lumière qui les inondait ; une muraille de plâtre n’eût pas paru plus blanche que le versant qu’ils exposaient à la lune, mais alors que le plâtre est terne, les facettes diamantées du minerai brillaient comme une eau qui s’agite et chatoie. Cette espèce de ruissellement immobile donnait aux masses de houille et d’anthracite un caractère étrange; elles semblaient palpiter ainsi que des êtres à qui l’astre magique accordait pour quelques heures une vie mystérieuse et terrifiante. L’une d’elles portait au flanc une longue déchirure horizontale qui formait un sillon où la lumière ne parvenait pas, et cette ligne noire faisait songer à un rire silencieux dans une face de métal. Derrière elles, leurs ombres se rejoignaient presque, creusant des abîmes triangulaires d’où elles paraissaient être montées jusqu’à la surface du sol comme d’un enfer. La manière fortuites dont elles étaient posées, telles trois personnes qui s’assemblent pour délibérer, les revêtait d’une grandeur sinistre.

 

The Limitations of Logic and the Absence of Absolute Certainty

Nous poursuivons ensuite par un court entretien en anglais avec Alistair McClymont, venu de Londres avec sa pièce The Limitations of Logic and the Absence of Absolute Certainty, une tornade artificielle. Alistair nous décrit sa pièce et précise que le public peut traverser son installation. Nous en profitons pour lui demander de nous citer un artiste ont il apprécie le travail : Chris Burden. De même, sa tornade évoque d’autres sculptures de Eliasson, Kapor ou Kempinas.

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Interlude : Une étudiante en art dans les coulisses de l’exposition : le témoignage de Chloé

Nous poursuivons l’entretien par un court échange avec Chloé Barthod, étudiante aux Beaux arts de Rennes, venue en stage pour participer au montage d’exposition : elle donne ses impressions et nous confie quelques mots sur le fonds documentaire qu’elle a découvert pendant les quelques moments de « respiration » laissés durant le montage de l’exposition.

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Sillage

C’est ensuite Cécile Beau qui décrit Sillage, une pièce de 2012 qu’elle signe avec Nicolas Montgermont : elle nous recommande au détour de la conversation une lecture qui l’a beaucoup marquée : « Hors du temps : L’expérience du 16 juillet 1962 au fond du gouffre de Scarasson par celui qui l’a vécue » de Michel Siffre. Un récit (1963) devenu un mythe qui est presque introuvable aujourd’hui, à part en médiathèque ou d’occasion. Une édition au titre proche : Expériences hors du temps ; L’aventure des spéléonautes, Arthaud, 1972 est disponible à la BU de Sciences à Dijon. Nos collègues de la BM de Belfort possèdent l’édition de « Grottes, gouffres et abîmes », parue en 1981 chez Hachette.

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XO/OX

C’est ensuite Jean-David Mehri et Gabriel JeanJean qui s’entretiennent ensemble : tous deux encore étudiants à la HEAR à Strasbourg (Conservatoire et Art) reviennent sur les coulisses de cette œuvre et discutent de leurs influences plus ou moins souterraines à leur création commune : XO/OX (2016) : Gödel, Bach ou Escher

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Tous deux passionnés de l’articulation art&science, ils évoquent le collectif VIR (dont G. Jeanjean est l’un des membres) qui s’intéresse aux rapports entre art et programmation.

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Fragmentation

10 mai 2017,

Nous avons rencontré Stéphane de Gérando dans sa salle au Conservatoire à rayonnement départemental Henri Dutilleux. Une conversation de 30 minutes (en 2 parties 2x 15 min) autour de Fragmentation, son installation proposée dans l’exposition Le chant des terres.

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Coulisses de la création, réflexion sur le temps musical, la dimension chaotique de sa recherche sont quelques uns des sujets abordés dans cet entretien très fluide enregistré avec en arrière fond, l’écoute des éléments sonores de cette installation qui fait partie du Labyrinthe du temps (cycle 8), un projet mené depuis plus de 10 ans.

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L’entretien se clôt par la lecture d’un fragment de Bachelard : «  Il y a donc, au-dessus du temps vécu, le temps pensé. Ce temps pensé est plus aérien, plus libre, plus facilement rompu et repris. C’est dans ce temps mathématisé que sont les inventions de L’Être. C’est dans ce temps qu’un fait devient un facteur. On qualifie mal ce temps en disant qu’il est abstrait, car c’est dans ce temps que la pensée agit et prépare les concrétisations de l’Être. »

in La dialectique de la durée (1936)

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Citation relevée dans l’ouvrage « Produire le temps« , coordonné par Hugues Vinet et publié en 2014 aux éditions Hermann (Disponible à la médiathèque Cote AMS VIN)

Stéphane feuillette ensuite le programme de Manifeste, le prochain festival de l’IRCAM qui débute le 1er juin et tombe sur une page consacrée au compositeur Gérard Grisey, un musicien dont il a été l’un de ses étudiants au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et autour duquel nous avions déjà consacré un billet, réalisé avec l’un de ses amis d’enfance : la bibliothèque en vadrouille n° 48.

  • L’œuvre contemporaine à l’épreuve du concept, préface de Paul Méfano, postface de Jean-Yves Bosseur, Paris, L’Harmattan avec le soutien du CNRS, 2012, 227 p.
  • Dialogues imaginaires. Une expérience de la création contemporaine et de la recherche, Paris, Inactuelles, 2010, 300 p. Ouvrage accompagné d’un disque monographique, en collaboration avec Radio-France, MFA, 3icar – icarEnsemble, Inactuelles, 2010. Version anglaise Julien Elis.
  • Le labyrinthe du temps (ouvrage d’art, images de synthèse et textes de Stéphane de Gérando), Paris, 3icar /icarEditions, 2013, 78 p.

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Bibliographie à venir, en plus de celle disponible dans le guide d’exposition, d’autres références bientôt…

Un film (podcast) de Silvi Simon avec d’autres entretiens avec les artistes.

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Textes, entretiens : Fabien Vélasquez
Photographies : Samuel Carnovali et Fabien Vélasquez pour l’installation Fragmentation
Remerciements à tous les artistes qui ont pris un moment pour converser avec nous.